Nous avons eu la chance de rencontrer Ermeline Vicaire, première femme Soferet francophone, lors de la semaine intensive d’hébreu1 à l’IPT-Faculté de Paris. Elle nous a raconté son métier et son parcours. L’occasion de découvrir une profession peu commune et un ensemble de pratiques lié à la culture juive.

La soferout est l’activité de calligraphie des textes, écrits à la main sur un parchemin et comprend l’écriture mais également la restauration des parchemins anciens détériorés au fil du temps.

Un sofer est, au sens traditionnel du terme, un scribe, c’est-à-dire un expert en calligraphie hébraïque.

Aujourd’hui, les scribes sont appelés sofer STaM 2. Ils sont principalement chargés de copier les parchemins de mezouza (boîtier contenant la prière du Shema Israël, que

l’on place sur les linteaux des portes), des tefilin  (du mot tefila, prière, qu’on appelle aussi phylactères, boitiers que les juifs pratiquants nouent sur leur front et leur bras gauche et contenant des parchemins où sont écrits des versets de la Tora) et des rouleaux de Torah. Ils écrivent aussi les rouleaux d’Esther, les contrats de mariage et les certificats de divorce.

« Un poinçon sec est utilisé pour tracer les lignes, 22 sur une mezouza.
On écrit ensuite sous les lignes et non dessus. Ce parchemin reprend deux citations bibliques, rappelant ainsi chaque fois qu’on passe devant sa porte qu’il faut respecter les commandements de l’Eternel, chez soi comme à l’extérieur ».

Dans le judaïsme orthodoxe traditionnel, une des mouvances du judaïsme, la pratique de la soferout est interdite aux femmes. Dans le judaïsme libéral, également appelé réformé, les femmes ont les mêmes obligations, les mêmes droits et les mêmes devoirs que les hommes.  Cette égalité, liée au port des tefillin leur permet d’exercer le métier de sofer.

Une chose ne change pourtant pas, ce sont les règles d’écriture traditionnelle précises, tant par rapport à la forme des lettres qu’aux outils d’écriture. Plume d’animal cacher (oie ou dinde), parchemin à base de peaux d’animaux destinés dès leur naissance à la fabrication de ce support (les réflexions sur un matériel vegan sont en discussion) et surtout concentration maximale.  L’écriture des textes est un exercice qui exige une intention totale, d’où le rituel du port des tefillin.

Les documents porteurs de sainteté doivent nécessairement être écrits dans les règles de l’art afin d’être valides.

En cas d’erreur ou si les lettres sont devenues illisibles sur un des parchemins (il est recommandé de vérifier son parchemin de mezouza deux fois tous les sept ans), le rouleau est déclaré invalide. Il doit être déposé dans une gueniza, lieu à la synagogue où l’on recueille les objets ou les livres sacrés jusqu’à leur inhumation dans un cimetière. On ne jette pas un texte avec le nom de Dieu à la poubelle !

30 femmes dans le monde exercent le métier de soferet

Les nombreuses règles (chaque lettre doit être indépendante et entourée de parchemin, elles ne doivent jamais se toucher, dans une même lettre ce qui ne doit pas se toucher ne se touchera pas au risque d’être considéré comme non casher …), dont nous pourrions parler pendant des années, sont cependant soutenues dans l’esprit par un verset du deutéronome (30,14), indiquant ainsi à propos de la loi qu’elle doit être « dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique ». Il s’agit du principe de lichma. Un principe qui guide tous les actes du sofer et qui signifie qu’il faut faire en toute conscience, dès le départ du processus et pendant tout le temps de sa réalisation. Il est fondamental de lier la pensée à l’action, chaque mot doit ainsi être prononcé oralement avant d’être écrit. C’est aussi là l’intention soutenue par la pratique du port des tefilines. Un recentrage intense qui donne un caractère monastique à cette activité sans toutefois tomber dans l’austérité.

Et si l’honnêteté et l’anonymat sont deux autres composantes du métier de sofer, nous retiendrons de cette rencontre un moment de partage joyeux et enrichissant.

 

  1. Les sessions obligatoires d’une semaine – en méthodologie, en grec et en hébreu – concernent les étudiants qui entrent en première et deuxième année de cycle L mais aussi tous ceux qui suivent les cours de langues bibliques de niveau 1 ou 2. Elles ont lieu chaque année à la rentrée.

 

  1. C’est la première lettre du mot STaM qui indique les Sefarim ou rouleaux de Tora; on désigne par le T les tefillin ; et enfin le M. représente la mezouza.

 

 

 

 

 

 

 

 

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