Fondateur des Rendez-vous de la pensée protestante (RDVPP) qui se sont tenus du 8 au 10 mars à la Faculté de Montpellier, Samuel Amédro revient sur ce qu’il y a vécu ces six dernières années.

La 6e édition des Rendez-vous de la pensée protestante s’est déroulée du 8 au 10 mars à la Faculté de Montpellier, sur le thème Dieu, le monde et la théologie : dis-moi quel est ton Dieu, je te dirai quel est ton monde ; dis-moi quel est ton monde, je te dirai quel est ton Dieu.

Ces Rendez-vous ont rassemblé plus de quatre-vingts personnes : théologiens et théologiennes, étudiants et étudiantes, et autres personnes intéressées par la théologie et le dialogue interdénominationnel, sous la pluie mais dans une ambiance chaleureuse, studieuse et priante.

Ce fut l’occasion pour des enseignants et étudiants des Facultés de Bruxelles, Strasbourg, Collonges-sous-Salève, Vaux-sur-Seine et l’IPT (Paris et Montpellier) de débattre à partir des thèses rédigées et échangées à l’avance. Une conférence-débat à deux voix, animée par Madeleine Wieger (Strasbourg), a réuni Jean-Louis Schlegel, sociologue des religions et Dominique Collin, philosophe, sur la thématique générale des Rendez-vous.

Le conseil d’administration de l’association organisatrice de cette rencontre annuelle a également été partiellement renouvelé. Son fondateur et président, Samuel Amédro, a souhaité laisser la place d’autres. Nous en avons profité pour lui demander de partager quelques aspects de ce qu’il a vécu durant ces six années de pilotage de la mise en œuvre de cette idée originale : offrir aux théologiens protestants de tous horizons dénominationnels un espace de conversation aussi exigeante intellectuellement que bienveillante et fraternelle, sans autre but que le plaisir de la rencontre et sans autre gain que la fécondité de pensées qui se confrontent les unes aux autres.

 

Samuel Amédro, comment avez-vous vécu ces six années de « Rendez-vous » ? Qu’en avez-vous retiré sur le plan des relations humaines ?

Au fur et à mesure des rencontres annuelles successives, il s’est créé entre les individus un réseau qui dépasse les frontières ecclésiales et académiques. Je reçois cela comme un signe de l’Esprit : la fraternité vécue, malgré les différences (pas du tout anecdotiques) de conceptions théologiques. Ce cadre est marqué par la gratuité : des RDVPP ne sont attendus aucun résultat en termes de publications, même si les thèses et les débats sont régulièrement publiés par la revue électronique Foi et vie, ni en termes de décision, puisque l’association n’a d’autre but que l’organisation de ces rencontres. C’est pourquoi il n’y a pas de calcul ni de stratégie de politique ecclésiale de la part des organisateurs ni des participants. D’où le plaisir de la rencontre gratuite.

 

D’après vous, qu’est-ce que ces Rendez-vous apportent quant aux relations entre les dénominations protestantes ?

C’est un lieu qui s’inscrit dans une tout autre logique que celle à laquelle peut parfois mener la situation délicate du christianisme dans une société dite « postchrétienne » : la logique des « gardiens du temple », à laquelle toute institution est sujette quasiment par essence. Les RDVPP sont un lieu où peut être mise en œuvre une transversalité de réflexion théologique : on s’y oblige à la réflexion ensemble… et l’apprivoisement concret, au fil des rencontres, permet ainsi la décrispation institutionnelle. Il faut bien sûr du temps pour cela (on ne s’apprivoise pas en un instant). Il faut convaincre de l’utilité, voire de la nécessité de ce genre de lieu, aussi bien les Facultés de théologie que les institutions ecclésiales. La présence discrète de leurs représentants est appréciable. Les RDVPP sont un lieu où tombent les préjugés réciproques.

 

Et pour ce qui concerne les relations entre les Facultés et les théologiens et théologiennes ?

Mon rêve est que, dans les Facultés, on puisse un jour se dire « on ne peut pas ne pas y participer ». C’est déjà une grande joie de voir que, au fil des années, nous avons pu réunir des enseignants et des étudiants de toutes les Facultés francophones européennes, d’horizons théologiques très divers : luthéro-réformés, évangéliques, réformés-évangéliques, adventistes, charismatiques. Et depuis quelques éditions, on constate une participation de plus en plus nombreuse des étudiants et étudiantes, grâce au soutien de différentes fondations qui rendent possible la gratuité, et aux Facultés qui participent également aux frais de transport. C’est essentiel que les étudiants en théologie, dès les premières années, se rendent compte de l’importance de la confrontation aux pensées autres, pour l’élaboration de la sienne propre.