Vice-doyenne de l’IPT de Montpellier, Chrystel Bernat, en collaboration avec Éloi Valat, est l’autrice de Camisards – 1702, la mort de l’abbé du Chaila (éditions Bleu autour), et d’Une guerre sans épithète : les Troubles des Sevenes. Déchirures civiles et militances confessionnelles au Grand Siècle (vers 1685 – vers 1710) (éditions Honoré-Champion). Elle présentera ces deux parutions aux Rendez-vous de l’histoire de Blois, du 8 au 12 octobre. Entretien.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de consacrer une vaste enquête aux camisards, et en particulier à leur prise d’armes ?
C’est le souhait de comprendre un conflit qui n’a pas d’exemple dans la France moderne. Il n’y a aucune prise d’armes qui ressemble à la prise des camisards. Pendant longtemps, on l’a qualifié de « trouble des Cévennes ». Ce n’était ni une guerre ni une révolte populaire. J’ai trouvé ça fascinant. Cela posait les questions des guerres religieuses, des modèles, de l’affrontement confessionnel. Il s’agit d’un conflit religieux qui dépasse la question de la liberté. Cette guerre est atypique, dans le sens où elle a lieu à une époque qui ne permet plus aux catholiques et aux protestants de se faire la guerre comme autrefois lors des guerres de religion (fin XVIe siècle).

Vous publiez à la fois une enquête et un album graphique : pourquoi ce double format ?
C’était une réponse à une invitation. Le dessinateur Éloi Valat avait travaillé sur la Commune. Nous avons souhaité réinterroger le conflit qui pose la question de l’obtention de la liberté de conscience. De plus, on a très peu d’images de ce conflit. Le double format offre un langage académique et un langage graphique. Il était indispensable d’imaginer une autre forme. L’idée était d’entrer en dialogue avec cette mémoire. Je voulais écouter ce qu’un dessinateur avait à dire de cette guerre, d’autant plus qu’il n’est pas tenu d’être exhaustif. Tout ce qui est avancé est référencé.

Comment s’est passée votre collaboration avec Éloi Valat ?
C’était une excellente collaboration. L’idée, c’était de ne pas lui imposer une lecture historique. Mon rôle n’était pas de lui dire quoi dessiner. Je lui ai donné mon travail pour accompagner son œuvre. J’étais là pour offrir un repère historique tout en laissant opérer le dessinateur. C’était intéressant de voir qu’il a, sans être historien, confronté des sources discordantes pour montrer qu’il y a des vérités opposées.

Que nous apprend aujourd’hui, en 2025, le soulèvement des camisards sur la liberté et la résistance ?
Ce soulèvement nous apprend les méfaits de la pensée unique. C’est le fruit sanglant d’un projet de société édifié sur un absolutisme politique réel où le protestantisme était interdit. Il ne pouvait donc pas y avoir de paix. Ce conflit nous apprend beaucoup sur la violence de l’uniformisation religieuse. La tentation de la religion unique génère de la violence. Cette prise d’armes répond à une déculturation brutale. Elle garantit à chacun de penser librement. Elle a été une lutte pour la liberté. En promouvant la diversité, on accède à la plus grande beauté du monde.

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