Dan Jaffé, professeur franco-israélien d’histoire des religions à l’université Bar-Ilan de Tel Aviv, est venu le 18 février donner une conférence à l’IPT de Montpellier. Près de soixante-dix personnes l’ont écouté évoquer – entre autres – la pluralité des communautés juives dans lequel la naissance du christianisme s’est inscrite. Rodrigo de Sousa, maître de conférence en Ancien Testament à l’IPT de Montpellier était à la conférence.
Il est difficile de synthétiser une conférence d’une heure – à laquelle s’est ajoutée une demi-heure de discussion – en quelques phrases… Si vous deviez malgré tout vous prêter à l’exercice pour nous en expliquer le sujet : « Naissance des traditions religieuses. Judaïsme rabbinique et christianisme des origines » ?
Dan Jaffé est expert de la question de la séparation des chemins entre le judaïsme et le christianisme des premiers siècles, du point à partir duquel l’on pourra parler vraiment d’une autre religion avec le christianisme. Cette séparation fut un processus long et complexe. La conférence traitait de cela.
Quelles idées vous paraissent importantes, sur cette séparation entre judaïsme et christianisme ?
Plutôt que poser nos grilles de lectures actuelles pour décrire les groupes religieux d’alors, Dan Jaffé a apporté beaucoup de nuances enrichissantes sur la façon dont ces communautés s’identifiaient elles-mêmes, comment elles se voyaient, s’auto-comprenaient. On pourrait croire qu’il y eut assez vite des communautés « constitutionnalisées », juives d’un côté et chrétiennes de l’autre. Or, ce n’est qu’au IIe siècle que ces communautés vont commencer à se considérer plus clairement l’une l’autre comme deux entités différentes.
Il est important de saisir à quel point le judaïsme était pluriel. Un grand nombre de groupes le constituait. Il existait des échanges entre ces groupes, des croisements. Le christianisme fut un courant parmi d’autres dans cette pluralité. Pour prendre un exemple : les ébionites, au IIe siècle constituait un groupe autonome qui avaient « adopté » l’évangile de saint Matthieu mais qui rejetaient les écrits de saint Paul. Il serait difficile aujourd’hui de les identifier simplement comme « juifs » ou « chrétiens ». Des communautés se sont ainsi formées en fonction de la primauté accordée à tel ou tel texte. Au IVe siècle, les autorités rabbiniques et ecclésiales se prononceront plus institutionnellement sur les choses.
La conférence de Dan Jaffé a fait le plein, la salle était même trop petite ! Comment expliquez-vous cet engouement ?
Dan jaffé est connu de la communauté de l’IPT, il a écrit plusieurs livres parus aux éditions du Cerf, il est également membre du comité de rédaction de notre revue ETR, nous sommes donc en lien avec lui. Mais la conférence a attiré plus largement que les étudiants, professeurs de l’IPT, et les amis de la bibliothèque où la conférence s’est tenue. Le sujet a intéressé un public plus large, protestant, catholique et sans doute aussi juif. Dan Jaffé est un bon orateur au langage clair, facile à suivre en dépit de la densité des sources anciennes auxquelles il se réfère.
Propos recueillis par Louise de Benoist