Quels axes de recherche ? Quels nouveaux enseignements ? Quelle continuité par rapport au ministère pastoral ? Dans cet entretien réalisé à l’occasion de sa nomination, Céline Rohmer répond à ces trois questions.
Pourriez-vous présenter en quelques mots votre travail de recherche ?
Jusqu’à présent je me suis beaucoup intéressée à l’évangile de Matthieu, plus précisément au langage parabolique, à ses soubassements littéraires, culturels et religieux. Ma thèse, soutenue en 2013, s’intitule « Valeurs et paraboles. Une lecture du discours en Matthieu 13,1-53. » Ce travail propose de lire les paraboles comme des appels, des invitations à la rencontre. Ce ne sont pas de petites histoires pour les enfants que Jésus utilise pour nous faire la morale ! Le langage parabolique dit tout le désir insistant qu’a Dieu de nous rencontrer. La parabole offre cet espace, cette liberté de rencontre entre ce que je suis, moi, auditeur(trice), lecteur(trice) et ce Dieu qui vient me dire quelque chose.
Quels sont vos nouveaux enseignements à la Faculté de Montpellier ?
En exégèse, pour la première fois, je propose un cours sur le langage parabolique intitulé « Jésus paraboliste ». Nous nous interrogerons sur les raisons et les effets du langage parabolique. Pourquoi Jésus a-t-il autant sélectionné cette manière de parler ? Que visent ses petites histoires ? En grec, nous traduisons les récits de la Passion en synopse, parallèlement Marc, Matthieu, Luc et Jean. Nous verrons que chacun déploie sa propre lecture de l’événement unique de la mort et de la résurrection de Jésus. Enseigner est pour moi une grande joie, je suis reconnaissante de participer à la transmission non pas d’un savoir mais d’une recherche car nous sommes là pour donner le goût du texte. Il s’agit de lire les textes ensemble, pour ce qu’ils sont et non pas pour ce qu’on voudrait qu’ils soient. Nous faisons place au texte avant de nous l’approprier. C’est un magnifique cadeau de faire communauté de lecteurs. D’autant plus qu’à la faculté il y a une émulation extraordinaire entre des gens d’âges, de générations, de cultures et de rapports aux textes différents.
Votre mission d’enseignante-chercheuse s’inscrit-elle dans la continuité du ministère pastoral ?
Après coup, tout cela m’apparaît très cohérent. Je suis venue à la théologie par la littérature. Je me sentais vraiment appelée au ministère pastoral. Ensuite c’est le ministère pastoral qui m’a conduite à l’enseignement. J’ai changé de spécialité mais je suis toujours pasteure, ministre de l’Eglise protestante. Aussi ai-je le souci de travailler avec mon Eglise, de participer à la formation des futurs pasteurs, d’être toujours en lien avec la demande des Eglises locales. C’est l’Eglise qui nous donne mission, qui nous reconnaît cette mission-là, tout en nous donnant toute liberté pour la remplir. Par ailleurs, il est inconcevable pour moi de faire ce travail sans prêcher. Parce que lire les textes veut dire les comprendre mais aussi les interpréter, et les interpréter signifie annoncer l’Évangile dans un langage clair et raisonné pour nos contemporains. Il faut donc ne pas cesser de prêcher, car la prédication est en réalité le véritable geste final de l’exégète théologien !
Lien vers la page de Céline Rohmer sur le site de l’Institut protestant de théologie